Le temps de travail et son organisation
Le Snec-CFTC veut sécuriser le temps de travail des maîtres. Pourquoi ?
Le Snec-CFTC revendique une hausse de la rémunération sans contrepartie, c’est-à-dire sans hausse du temps de travail : il refuse le « travailler plus pour gagner plus » et demande une hausse de la rémunération horaire.
Il veut aussi réformer la réglementation parce qu’elle permet d’augmenter le temps de travail des maîtres sans contrepartie pécuniaire, c’est-à-dire de baisser leur rémunération horaire.
De quoi parle-t-on exactement ?
Le temps effectif de travail d’un enseignant comprend le temps devant élèves (appelé ORS, pour obligation réglementaire de service).
Il comprend aussi des « invisibles » : préparation des cours, correction des copies, saisie des notes, suivi des élèves, élaboration et réalisation de projets, formation professionnelle, etc.
L’importance de ces invisibles ne cesse de croître et sans contrepartie depuis une dizaine d’années : cahier de textes numérique, livrets de compétences, évaluations nationales, heure de vie de classe, communication électronique avec les élèves et les familles, explosion du nombre de réunions obligatoires dans nombre d’établissements (résultat de l’abrogation en 2010 de la circulaire qui le limitait à 15).
Qui est responsable de l’organisation du temps de travail des maîtres et de sa hausse ?
In fine, l’Etat qui est l’employeur des maîtres et prend des dispositions réglementaires. Mais la mise en œuvre relève de la compétence et de la responsabilité des chefs d’établissements.
L’Etat doit assumer ses obligations d’employeur en décourageant les chefs d’établissements d’essayer d’accroître le temps effectif de travail des enseignants. Il ne peut se retrancher derrière le fait qu’il n’est pas l’employeur des chefs d’établissement. C’est pour cette raison que le Snec-CFTC attache une importance particulière à la sécurisation des relations entre les maîtres et les chefs d’établissement.
Mais l’Etat refuse de reconnaître la hausse du temps de travail effectif des maîtres. Il se contente d’opposer que le temps consacré aux invisibles :
- est limité dans le 1er degré (dans le cadre des 108 heures annuelles) et indemnisé par l’Isae ;
- est indemnisé forfaitairement dans le 2nd degré par la part fixe de l’Isoe.
Or :
- Dans le 1er degré, nombre de maîtres dépassent le forfait de 108 heures pour les missions hors la classe, ce qui ne donne lieu ni à revalorisation de l’Isae ni au versement d’HSA/HSE.
- Dans le 2nd degré, les nouvelles missions et contraintes ne donne lieu ni à revalorisation de la part fixe de l’Isoe ni au versement d’HSA/HSE.
Le redécoupage des séances pédagogiques est un autre moyen pour nombre de chefs d’établissement du 2nd degré de faire travailler plus leurs enseignants. Certaines organisations professionnelles de chefs d’établissement encouragent d’ailleurs à abandonner les séances de 55 mn car cela permet d’imposer aux maîtres 1h30 de plus devant élèves. Dans certaines disciplines, cela correspond à une classe supplémentaire et à toutes les contraintes qui vont avec en matière de préparation, de corrections et de suivi.
Pour le Snec-CFTC cela est inacceptable. C’est pourquoi il exige des dispositions réglementaires limitant le temps de travail hebdomadaire effectif des maîtres.
Quel devrait être le temps de travail hebdomadaire maximal ?
Le Conseil d’Etat considère que les maîtres ont un temps de travail légal de 39 heures par semaine à raison de 47 semaines par an. Les maîtres n’étant pas annualisés ni cadres au forfait, tout surplus de travail devrait leur être rémunéré.
Selon des statistiques publiées par le Ministère (2013), le temps effectif de travail des maîtres est de plus de 41 heures par semaine dans le second degré et de plus de 44 heures dans le premier degré. Et pourtant, l’idée stigmatisante pour la profession qu’un enseignant ne travaille que 15 h ou 18 h ou 20 h ou 27 h par semaine est entretenue par nombre de politiques et persiste dans l’opinion publique. Avec la complicité de l’Etat qui tarde à procéder à une nouvelle enquête qui permettrait de quantifier la hausse du temps de travail effectif des maîtres.
L’enseignement catholique lui-même promeut le bénévolat et certains chefs d’établissement en font une quasi-obligation. Le Snec-CFTC a à de nombreuses reprises exprimé son rejet de ce « malevolat ».
Comment concrètement limiter le temps de travail hebdomadaire ?
Plusieurs mesures s’imposent :
- Faire cesser la hausse continuelle du nombre d’élèves par groupe classe.
- Limiter réglementairement la durée et l’amplitude de la journée de travail et définir un temps de repos minimum entre deux journées de travail consécutives. Le code du travail le fait bien pour les salariés de droit privé…
Mais comment limiter efficacement le temps consacré aux invisibles ?
Il faut recentrer le métier enseignant sur le cœur de métier, la pédagogie, et cadrer le temps consacré aux invisibles :
- Dans le 2nd degré, en créant un forfait temps analogue aux 108 heures annuelles du 1er degré incluant le temps de formation professionnelle (qui est un temps de travail au sens du code du travail). On pourrait également diminuer le temps devant élèves afin de ne pas excéder le temps maximum légal de service (39 heures hebdomadaires effectives) et le moduler selon les besoins de formation professionnelle (changements profonds des programmes, changement de discipline imposé par l’État). Les chefs d’établissement ont aussi un rôle à jouer en étant tous raisonnables concernant le nombre de réunions.
- Dans le 1er degré, diminuer le temps devant élèves se ferait au préjudice des programmes et donc des élèves. Une solution évidente serait de faire respecter les 108 heures annuelles, ce qui renvoie à la responsabilité de l’Etat (qui fixe de nouvelles obligations) et à celle des chefs d’établissement, en tant que chefs de service.
Cela ne pénaliserait-il pas les élèves ?
Les enseignants veulent évidemment que leurs élèves réussissent et s’épanouissent mais ils n’ont pas à se sacrifier en acceptant une hausse du temps de travail sans contrepartie : c’est à l’Etat et aux établissements de mettre en œuvre les moyens nécessaires. Les enfants sont ceux de la nation, c’est donc au contribuable de donner les moyens à l’Ecole de fonctionner normalement et les enseignants ne doivent pas être considérés comme des variables d’ajustement budgétaire.
Il faut sortir de l’hypocrisie systémique : l’Etat et les chefs d’établissement doivent être en mesure d’évaluer le temps consacré aux invisibles et doivent accepter qu’un enseignant n’a pas à travailler plus de 39 heures par semaine ! Le code du travail interdit le travail dissimulé, il n’y a aucune raison qu’il n’en aille pas de même pour les enseignants agents de droit public.
Mais il n’est pas possible de mesurer le temps de travail de chacun(e). Comment procéder afin d’être juste ?
La moins mauvaise méthode serait d’estimer les invisibles à leur valeur moyenne et de mettre en œuvre un système de pondération selon le nombre d’élèves ainsi qu’en cas de réforme lourde des programmes, de nouvelle réforme du système scolaire, etc.
Quid d’une éventuelle annualisation du service des maîtres ?
Les services des maîtres sont déjà partiellement annualisés. En particulier dans l’enseignement professionnel avec les périodes de formation en milieu professionnel.
Le Snec-CFTC n’a pas d’opposition idéologique sur le principe de l’annualisation. Mais il serait pour lui inacceptable :
- d’augmenter une nouvelle fois le temps de travail des maîtres sous couvert de souplesse ;
- de placer les maîtres dans un système d’astreinte permanente en permettant des modifications d’emploi du temps a volo et sans délai de prévenance ;
- d’engendrer un temps de travail hebdomadaire trop fluctuant.
C’est pourquoi le Snec-CFTC demande que toute éventuelle annualisation soit strictement cadrée et sécurisée. Ce cadre et cette sécurisation doivent engager d’une façon ou d’une autre la responsabilité des chefs d’établissement qui n’ont, dans le 2nd degré et en l’état actuel, pas de lien contractuel de droit public au titre de cette fonction.
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